Le Monde.fr : à la Une

17/01/2010

La critique ciné de la semaine 1



Voilà une nouvelle catégorie, que j'appellerai "critique-ciné de la semaine"... Bien entendu, le but n'est pas de faire un résumé tout simple du film, comme l'on peut en trouver partout sur le net. Le concept est plutôt d'en discuter tous ensemble. En quelque sorte, un film que je séléctionne (vos propositions pour les suivants sont les bienvenues) qui est ensuite sujet à un vrai débat entre nous...


Cette semaine, forcément, on n'échappe pas au bon vieux Lucien... J'ai peur d'être déçu, mais c'est difficile de le rater! A très vite, pour un petit résumé, et mon avis! J'attends les votres!



Mon Avis:


J’avoue ne pas véritablement connaitre Joan Sfar. Un dessinateur? Un scénariste? Un metteur en scène? Pourquoi lui, face à l’immense défi Gainsbourg, et à un tel casting? Les réponses à ces questions n’ont que peu d’importance, tant ce film nous révèle son génie. Ce qu’il nous montre de Gainsbourg, cet enfant surréaliste, cet homme si élégant, si repoussant et charmant, qui deviendra fatigué, malade, mais habité d’une force incroyable, est fascinant. Avec une légèreté étonnante, il explore toutes les facettes de Lucien Ginsburg: son intelligence, sa culture, ses femmes, l’alcool, sa folie aussi, son mal-être, et sa simplicité déconcertante. Tout ça sans jamais tomber dans le drame. Malade, Gainsbourg dégage une impression de force, de vie, à couper le souffle.
On se plait à imaginer « notre » Serge ainsi. On se plait à y croire, et il faut dire qu’Eric Elmosino nous y aide grandement: il EST Gainsbourg. Quel talent immense, quelle capacité à « vivre » une personnalité si originale. Vraiment, une réussite, aux côtés d’une Lucy Gordon brillante en Jane Birkin, et d’une Laetitia Casta tenant bien la complexe Bardot. C’est un bonheur de croiser brièvement Yolande Moreau, ou encore la fatale Anna Mouglalis. Un casting de rêve, mais surtout de goût.
Jusque-là, me direz-vous, on croirait La Môme transfigurée de Piaf à Gainsbourg. Du réaliste, du parfait. C’est là qu’intervient le talent de Joan Sfar. Ne pas tomber dans le drame, les regrets… Trouver de la légèreté dans une vie qui ne semble pas en contenir.
Sfar a deniché, avec la géniale « Gueule » de Gainsbourg, une astuce extraordinaire. C’est en ce détail que toute la lourdeur de l’histoire disparaît. Ce personnage de bande dessinée, incorporé au film ( il y est le double de Gainsbourg), laisse aussi une ambiguïté quant à la véritable personnalité de l’artiste. Était-il Lucien Ginsburg, ou était-il sa « Gueule »? Il ne nous le dit pas, Sfar nous abandonne à nos convictions. Il ne nous force pas la main, et nous laisse prendre ce que l’on désire dans ce caractère, cette personnalité. Il nous la présente, par diverses périodes de sa vie, mais ne nous emmène pas là où il en a envie. Il nous laisse naviguer à notre guise, du petit Lucien au vieux Serge.

On en retiendra ce qu’on voudra, mais on ne jugera pas. Voilà ce qu’aurait aimé Serge Gainsbourg. Qu’on ne le juge pas, qu’on lui foutte la paix. Joan Sfar l’explore, l’exhibe, le décortique. Il ne l’encense pas, ne le descend pas non plus. Il le met à nu avec pudeur, et nous livre, légèrement, le portrait fascinant d’un homme complexe.
V.

Aucun commentaire: