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19/04/2010

L'aquabon, épisode 1


Bonsoir à tous! Voilà une nouvelle rubrique, qui reviendra en plusieurs épisodes! Il s'agit d'un -modeste- roman écrit pas mes soins.
Surtout, commentez, dites-moi ce qui ne va pas, ce qui est mieux; je ne prétends certainement pas faire quelque chose de parfait!
Le roman avancera petit à petit, au fur et à mesure des publications!!J'éspère que vous serez relativement nombreux à le lire!

A bientot!

Section I

I


Il fait froid, en ce matin de mars. Je vais encore être forcé d’allumer ce foutu bain d’huile. Quelle ruine cet hiver glacial! Mes factures d’électricité ont doublé, et pas un client de plus n’a pointé le bout de son nez… C’est décidé, dès que l’occasion se présente, je le vends, ce bar. Ma femme vous dirait que je répète ça tous les mardis matins de toutes les semaines, de tous les mois, depuis vingt ans. Ce n’est pas vrai, j’y ai songé par le passé, certes. Mais c’est définitif cette fois ; à presque cinquante ans, il est temps de passer le relais.
Si je gagnais bien ma vie, passe encore. Les gens s’imaginent que je suis Crésus. Cela fait longtemps que je que je me serais carapaté de ce bled de fous, si j’avais trempé mes mains dans le Pactole. Seulement voilà, depuis deux décennies, je me lève 6 jours sur 7 à 6h du matin, et je ne rentre pas chez moi avant 20h30. Sans compter les jours de match, où je ne vois mon oreiller avant minuit. Tout ça pour vivoter, et partir un été sur deux avec ma Suzanne, dans un camping au bord de l’eau. La voilà, la belle vie du Crésus carnoulais.

« Salut Manu! »
« Ah, tu es là! Je te fais ton grand crème »
Je ne l’avais pas vu arriver, José. C’est un habitué de l’Aquabon. Que dis-je, un pilier. Enfin, un pilier de café hein, pas un pilier de comptoir tel qu’on l’entend. Je ne le vois que le matin. Tous les matins à vrai dire. Il vient boire son grand crème, avant d’aller bosser.
C’est peut-être ce que je préfère dans la journée; cinq minutes avec lui. On ne parle presque pas. Jamais pour se dire des banalités en tout cas. Après tout, pourquoi devrait-on parler si l’on n’a rien à se dire? Les gens ont tellement peur du silence… Peut-être parce qu’il est souvent plus révélateur que des mots? Moi, je lui fais confiance, au silence. Il ne peut mentir, lui. On en fait ce que l’on veut. On l’interprète à sa guise: on en fait un oui ou un non, un peut-être, si l’envie nous prend. On en fait un consentement, même s’il ressemble à un refus. On ne doute pas de la franchise qui le motive, puisqu’il n’a pas de conséquence bien définie. On peut y entendre ce que l’on veut. C’est plaisant. Déroutant, mais jouissif une fois la surprise consommée.

Notre relation, à José et moi, est ainsi. Pure, parfaite. Faite de silences, mais pas de non-dits. Jamais, pour ma part, je n’ai ressenti de manque. Il a toujours su cerner mes problèmes, et il a eu les mots justes. Je pense qu’il ne nierait pas la réciproque. Peut-être parce que l’on se connait depuis longtemps aussi…
Enfin, toujours est-il que je l’aime, ce grand crème silencieux. Je ne m’en lasse pas.




A bientot pour la suite,

V.

1 commentaire:

HOPPI a dit…

Je découvre avec grand plaisir ce premier chapitre (pas encore vu s'il y avait déjà la suite) ! J'aime le style sans prétention, sans trop de fioriture. Je me rappelle mes premiers essais, c'était truffé d'effets, beaucoup trop.

A continuer, de toute urgence ;)